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Aleytys se glissa du cuir souillé et se redressa pour considérer le grossier amas de chair du maître plongé dans un sommeil d’animal assouvi, la jolie bouche mollement ouverte, les lèvres vibrant sous les ronflements de verrat qui lui secouaient les bajoues.

Est-ce le moment de le tuer ? Ce serait facile et, Madar, que cela me plairait ! Elle contempla l’intérieur nauséabond de la tente, qui ressemblait davantage à une matrice qu’à un lieu où vivait un homme adulte. Aucune arme. Elle s’en était assurée. Elle écarta les mains. Sauf ceci. Non, avec le diadème, elle n’était jamais désarmée.

Elle soupira. Trop tôt. Je n’en sais pas assez sur ce peuple. Loahn a dit qu’ils se transforment quand ils pénètrent dans la région des lacs. Le maître se meurt… Pourquoi… ? Elle hocha la tête. Non, mon issue n’est pas encore prête. Inutile d’avoir enduré ce que j’ai subi pour ensuite me faire tuer. Et Sharl. Oh, Seigneur ! Sharl. Non !

Une outre était pendue à l’une des membrures. Elle la prit et aspergea son corps souillé et douloureux. Un viol. Il se fichait totalement de ce que je ressentais ! Un trou. Voilà tout ce que j’étais. Elle frissonna. Puis elle foudroya du regard le maître endormi. Elle serra les dents et se lava encore entre les jambes pour tenter d’effacer son humiliation. Je ne me sentirai plus jamais propre tant que je ne me serai pas trempée pendant une semaine dans un bain chaud.

Elle retira son batik de sous une des énormes jambes du maître, sans s’inquiéter de le réveiller. Elle le lissa et le nettoya de son mieux, chercha la broche que le maître avait jetée dans un coin et se rhabilla. Quand elle se retourna, le maître avait ouvert les yeux ; ils brillaient d’un pâle éclat à la faible lumière. Il se redressa en grognant.

Aleytys se laissa tomber sur le tas de cuir et le dévisagea.

– Qu’as-tu tiré de cela ? T’être ainsi fourré en moi ?

Il parut surpris.

– Je ne comprends pas.

– Je pourrais être n’importe quelle femme.

Il haussa les épaules.

– Pas pour m’exciter. Après ça… (Il écarta les mains.) Une femme est une femme.

– Peu importe ce que je ressens ?

– Une femme est une femme.

– Je vois. Pas la peine de se tracasser pour ça !

Il hocha la tête, satisfait de la découvrir aussi raisonnable. Un instant, Aleytys faillit abandonner toute prudence et l’attaquer immédiatement, ce gros tas prétentieux. Elle reprit son souffle.

– Pourquoi allez-vous dans la région des lacs ?

Il pinça les lèvres et se balança lentement de gauche à droite. Au bout de quelques instants de silence tendu, il décida de lui répondre.

– Le temps est venu de créer un nouveau maître.

– Parce que tu es en train de mourir ?

Il broncha.

– Tu es brutale, femme. Peu importe. Oui. Parce que je suis en train de mourir.

– Je guéris. Tu l’as vu. Pourquoi ne pas me laisser te guérir ?

Son visage prit un air froid et déterminé.

– Il est des choses que tu ne comprends pas, femme.

– Bien des choses. (Elle hocha la tête en silence.) Cependant…

– Je suis las, femme. Je me meurs parce que je suis fatigué de vivre, fatigué jusqu’à l’âme d’être ce que je suis.

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